Le procès de la Clinique du sport
Cette affaire est une des premières à avoir évoqué pour le grand public le domaine de la stérilisation. Nous suivrons donc avec intérêt ce procès en espérant qu'il apportera toute la lumière sur les erreurs commises.
Elle nous intéresse au moins, en tant que professionnels de santé, à deux autres titres :
- D'un point de vue pédagogique, dans le cadre de la formation d'agents de stérilisation , notamment pour ceux sans expérience du milieu des soins, par la valeur d'exemplarité du calvaire subit par ces patients, afin de les sensibiliser autant que faire se peut aux conséquences potentielles d'erreurs ou de négligences dans notre domaine.
- La nécessité de vérifier la pertinence des niveaux de criticité que chacun a défini pour évaluer ses seuils de non-qualité. En clair, savoir précisément ce que -en fonction des connaissances actuelles- on juge inacceptable et les limites que l'on refuse de franchir. Par ailleurs, l'importance d'une gestion correcte de toute non-conformité, même non majeure d'apparence.
Ci-dessous, l'article de l'Express de ce matin :
"Il n'aurait rien dû se passer à la Clinique du sport. Pas de scandale, pas de bactérie inoculée dans la colonne vertébrale d'une cinquantaine de patients, pas de ratage dans le rappel des victimes, pas de supplices à vie pour les plus atteints. Close vingt ans après le début des faits, en 1989, l'instruction montre que cette catastrophe sanitaire résulte de la conjonction hautement improbable de deux phénomènes. D'un côté, la contamination du circuit d'eau potable par le xénopi, un germe dangereux pour les os. Et, de l'autre, les mauvaises pratiques de stérilisation reprochées à trois chirurgiens de l'établissement. C'est tout l'enjeu du procès qui s'ouvre le 6 octobre au palais de justice de Paris: les médecins soutiendront que rien ne serait arrivé à leurs patients s'ils avaient travaillé dans un bâtiment sain; et la direction arguera que le microbe maison n'aurait causé aucun tort si les praticiens s'étaient conformés aux règles d'hygiène élémentaires, comme le faisaient six de leurs confrères opérant, à l'époque, dans les mêmes blocs. Les deux parties devront pourtant assumer leur part de responsabilité.
Retour à la fin des années 1980. La Clinique du sport fait figure d'établissement de pointe dans sa spécialité, la chirurgie orthopédique. L'établissement propose notamment une technique séduisante pour soigner les hernies discales (les sciatiques) - la nucléotomie percutanée, effectuée sous simple anesthésie locale et qui tombera ensuite en désuétude, faute de résultats. En 1989, première alerte au xénopi : la bactérie est retrouvée dans les lombaires de l'entraîneur d'un club de gymnastique lyonnais opéré un an auparavant. Mais personne ne prend la réelle mesure du danger, et les contaminations se poursuivent jusqu'en 1993. Cette année-là, le Dr Nicole Desplaces, une pionnière du diagnostic des infections osseuses, est appelée à la rescousse. Menant une véritable enquête de détective, elle élucide le mystère de l'épidémie.
Pourquoi la bactérie présente dans les tuyaux de l'établissement a-t-elle pénétré jusque dans les vertèbres des patients? Pour la simple raison que certains chirurgiens immergeaient leurs instruments dans un bain désinfectant entre deux opérations... et les rinçaient ensuite sous l'eau du robinet, équipé d'un filtre défaillant. Selon le témoignage d'un aide-soignant de l'époque, seuls les deux premiers malades de la journée bénéficiaient d'un matériel stérilisé dans les règles de l'art.
Parmi les médecins incriminés, le Dr Didier Bornert se distingue par une pratique toute personnelle. Pour opérer certaines hernies discales, le chirurgien commande des kits sophistiqués à usage unique... qu'il utilise plusieurs fois, au mépris des avertissements explicites portés sur l'emballage. Interrogé par L'Express, le Dr Bornert affirme que cette polémique est vaine car "aucun patient contaminé par le xénopi n'est concerné par la réutilisation de ces kits". Une chose est sûre : les trois quarts des victimes de l'affaire de la Clinique du sport sont passées entre ses mains."
Commentaires
Libération : "
Un procès plus de vingt ans après les faits… La justice aime décidément prendre son temps en matière de dossiers sanitaires. Aujourd’hui comparaissent devant la 31e chambre correctionnelle de Paris trois chirurgiens, un biologiste et un administratif de la Clinique du sport, cet établissement du centre de la capitale où unecinquantaine de patients ont été contaminés par la mycobactérie xenopi entre 1988 et 1993, au cours d’interventions chirurgicales. Une épidémie unique au monde tant une telle infection est rare. En cause ? Une stérilisation litigieuse.
Vingt ans, et pourtant… Cette affaire médicale a eu un immense impact, provoquant une véritable mobilisation des pouvoirs publics pour combattre les infections liées à une hospitalisation.
Au début, il semblait que tout cela n’était que l’odyssée d’un méchant microbe qui se glissait subrepticement dans de l’eau mal stérilisée puis dans les dispositifs médicaux, pour grignoter les os du patient et provoquer au final des tuberculoses osseuses particulièrement douloureuses et difficiles à traiter. Mais cette affaire s’est révélée bien plus vaste, devenant le procès de négligences médicales, de chirurgiens qui faisaient de l’abattage, de médecins qui se taisaient quand un problème pointait, espérant que l’orage passerait. L’orage n’est pas passé.
Ambiance exécrable
Le 4 octobre 1997, tout explose. A la Clinique du sport, juste à côté de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, une conférence de presse est organisée en catastrophe par les responsables de l’établissement. Le lieu est renommé, avec une spécialité : la chirurgie orthopédique. Et un argument commercial massue : n’est-ce pas là que de grands sportifs viennent se faire réparer ? Mais depuis trois semaines, le ciel n’a cessé de s’obscurcir au-dessus de la clinique. Le journal le Parisien a révélé«une épidémie bactérienne de xenopi qui a touché 55 patients, opérés entre 1988 et 1993». Et le ministère de la Santé a suivi en publiant un communiqué assassin à l’encontre de la clinique, reprochant aux responsables des pratiques douteuses et un silence opaque. Alors, ils parlent, devant la presse.
«On a suivi toutes les consignes en vigueur, et les autorités sanitaires étaient au courant de tout», réagissent les médecins abasourdis, visiblement fatigués. Accusés de négligence, ils jurent de leur bonne foi. «Depuis le début, nous avons été transparents», insistent-ils. Vraiment ? Première interrogation, et elle est de taille : le premier cas de contamination a-t-il eu lieu en 1993 comme ils l’affirment ? Ou bien plus tôt ? «En 1989, sur un patient opéré chez nous en 1988, on a détecté une infection à xenopi, lâche le docteur Sagnet, chirurgien. C’est une infection rarissime, liée à un germe très peu pathogène.» Une «vraie saloperie», dit-on chez les infectiologues, très difficile à diagnostiquer. «Après enquête interne, ajoute le docteur Sagnet, les experts ont conclu à un cas isolé. En mai 1993, quand on a découvert un second cas, nous avons réagi en prévenant les autorités sanitaires.»
En réalité, les choses ne se sont pas tout à fait passées comme ça. C’est ce que va montrer la longue instruction qui s’engage, en cet automne 1997, après la plainte de patients pour «coups et blessures volontaires, non-assistance à personne en danger et atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité de la personne».
A cette époque, la Clinique du sport est tenue par le docteur Pierre Sagnet et Roland Krzentowski, directeur, tous deux associés. Aux côtés de ce duo, des chirurgiens libéraux viennent opérer, dont le docteur Didier Bornert, grand spécialiste du dos et en particulier d’une technique dont il se veut le promoteur pour soigner les hernies discales : la nucléotomie percutanée qui consiste à aspirer le noyau du disque interverbétral avec une canule. Dans ces établissements à but lucratif, le chirurgien est le maître chez lui : il paye une redevance, mais c’est lui qui recrute, prend en charge ses patients, définit son mode opératoire et choisit les instruments qu’il va utiliser.
A la Clinique du sport, l’ambiance est exécrable. Mais nul ne le sait. Alors que les affaires tournent très bien, au point d’ouvrir un second lieu d’hospitalisation parisien dans le quartier du Marais, les médecins se parlent peu, on s’évite même. Cette méfiance n’est pas sans conséquence. Lorsque le premier cas d’infection à xenopi est signalé en septembre 1989 sur une patiente opérée par le docteur Sagnet, l’information, pourtant décisive, ne transpire guère. Le docteur fait le minimum. Tout juste demande-t-il un avis à son confrère rhumatologue du CHU de Lyon, le Professeur Meunier. Celui-ci lui répond très clairement : «Je dois attirer votre attention sur la possibilité d’une éventuelle contamination par une mycobactérie de type xenopi, il serait très souhaitable que vous fassiez faire une enquête dans votre salle d’opération de façon à éviter les risques de contamination future. L’infection vertébrale à xenopi est une infection exceptionnelle.»Le conseil reste lettre morte. Dans son ordonnance de renvoi rédigée en 1998, le magistrat instructeur relèvera ce manquement avec sévérité :«En septembre 1989, le docteur Sagnet aurait dû faire pratiquer les prélèvements dans l’eau des blocs opératoires pour vérifier la présence ou non de cette mycobactérie.»
Enfer et négligences
Quatre ans plus tard, en 1993, seconde alerte. De nouveaux cas sont diagnostiqués. Une experte, la docteure Nicole Desplaces, se rend à la clinique à la demande du directeur. Elle constate très vite que «la procédure de stérilisation à froid des instruments chirurgicaux est incorrecte»pour lutter contre ce microbe qui circule dans l’eau. Elle effectue des prélèvements dans l’eau des lave-mains et découvre que la mycobactérie y est encore présente… De nouvelles procédures de stérilisation sont implémentées. Succès complet : la chaîne de contamination est stoppée.
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Vu la gravité de l’infection, le long temps d’incubation et la difficulté de son diagnostic, les responsables de la clinique sont supposés prévenir tous les patients qui ont été opérés. Mais le docteur Sagnet fait la sourde oreille, déclare que c’est l’affaire des chirurgiens, avant de se décider à adresser à la clientèle une simple «lettre de satisfaction»dans laquelle il ne mentionne pas ouvertement le risque d’infection. Qui plus est, cette lettre n’est adressée qu’à 365 patients sur les 850 directement concernés.
En juin 1997, troisième alerte. Un nouveau cas est signalé chez une patiente opérée six ans auparavant, Béatrice Ceretti. La direction de la clinique ne peut plus faire le dos rond. Elle se décide enfin à adresser une lettre explicite aux patients concernés. «Si on avait été alerté, on n’aurait pas vécu cet enfer, raconte Alain Michel Ceretti. Ma femme, Béatrice, qui a été diagnostiquée en 1997, a souffert pendant six années de douleurs insupportables. On ne savait pas ce qu’elle avait, on lui disait que c’était psychologique, elle ne pouvait plus bouger, c’était épouvantable.» Quand il découvre que le cas de sa femme n’est pas isolé, Alain Michel Ceretti, révolté, prend l’affaire en main, la révèle au grand jour, et crée une association de défense des victimes. Avec son avocat Patrick de la Grange, ils vont peu à peu devenir l’œil vigilant de toute l’instruction.
Une instruction qui sera bien lambine avec trois juges qui se succéderont. Il n’empêche, comme le fil d’une pelote de laine que l’on tire, tout se débobine. Et en particulier, la grande légèreté des pratiques médicales de certains chirurgiens. Les enquêteurs découvrent que «si la stérilisation à froid entre deux interventions nécessite d’ordinaire vingt minutes», à la Clinique du sport «elle est souvent plus proche de dix minutes».Ils déterrent une foule de négligences : «l’intrusion du personnel en cours d’intervention», «un lavage manuel sans contrôle», «une utilisation de l’eau de rinçage du circuit urbain non stérile»,ce qui amenait à contaminer des instruments, mais aussi «les filtres à eau qui ne sont pas changés»,et pire encore «le réemploi de l’eau de rinçage sale dans la sale d’opération».
Comment expliquer de telles pratiques dans un établissement qui se vante d’être à la pointe du progrès ? Une médiocre course au profit ? Le docteur Bornert a reconnu faire en moyenne six à sept interventions par matinée, et jusqu’à treize (soit une tous les quarts d’heure) certains jours. Les magistrats écrivent : «Les procédures de remise en état des salles d’intervention, de décontamination, et de stérilisation du matériel n’étaient pas réalisables dans le temps imparti.» Une infirmière, interrogée, raconte : «Certains chirurgiens pressaient constamment le personnel du bloc afin de réduire au maximum le temps d’attente.»
Bref, il fallait faire vite : les comptes rendus opératoires sont succincts, ni le matériel utilisé ni le mode de stérilisation ne sont mentionnés. L’ordonnance de renvoi note qu’une aide-soignante est utilisée comme panseuse au bloc. Un infirmier fait office d’instrumentiste, sans en avoir le diplôme. Quant au comité de lutte contre les infections nosocomiales que la loi, en 1988, a rendu obligatoire dans tout établissement privé, il n’y en a pas à la Clinique du sport. «En même temps, remarque le magistrat instructeur, la très grande partie des chirurgiens respectait strictement les exigences d’une véritable stérilisation.»
Une affaire rentable
Pour les parties civiles, le procès qui doit s’achever le 28 octobre permettra de mettre tout à plat, les victimes ayant déjà été indemnisées. Alain Michel Cerretti, de son côté, a continué son combat, devenant un personnage clé dans le monde sanitaire. Il est aujourd’hui conseiller auprès du médiateur de la République sur les questions de santé. «Le plus grave, dit-il, c’est quand j’ai appris que près de 50 % des interventions chirurgicales subies par les patients contaminés n’étaient pas utiles.»
Quant à la Clinique du sport, elle est toujours là. Elle a changé de nom et de propriétaire. La Générale de santé a pris les manettes, et l’établissement s’appelle désormais Centre médico-chirurgical (CMC) Paris-V. Aux dires de plusieurs chirurgiens orthopédiques parisiens, il reste une affaire bien rentable, continuant à jouer avec habileté sur l’image d’un lieu où les grands sportifs viennent se faire opérer des genoux, de l’épaule, du dos." Signalons également que le CMC est désormais client Sterience...
(AFP) – Il y a 1 jour
PARIS — Une ancienne chef du bloc opératoire de la Clinique du Sport, dont trois médecins comparaissent pour des infections nosocomiales en série, a évoqué lundi une pratique "assez aléatoire" de stérilisation des instruments chirurgicaux au sein de l'établissement parisien.
Trois médecins, dont l'ancien directeur de la clinique, encourent trois ans de prison devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir négligé les règles sanitaires lors de leurs interventions chirurgicales. Au cours de celles-ci, une soixantaine de patients ont été contaminés entre 1988 et 1993 par une redoutable bactérie attaquant la colonne vertébrale.
Chef du bloc opératoire de cet établissement réputé durant 18 mois, Brigitte Cassar a donné des arguments à l'accusation, listant plusieurs manquements dans la chaîne de stérilisation des instruments chirurgicaux.
Outre un renouvellement insuffisant du liquide de trempage utilisé pour la stérilisation à froid, "par laisser-aller ou par argument financier", elle a mis en cause l'attitude de deux des médecins prévenus, les Drs Bornert et Sagnet, qui "pressaient" les équipes soignantes de réduire le temps de trempage.
Bon point pour la défense: elle a reconnu que le rinçage des instruments à l'eau filtrée, mais non stérile, des lave-mains était une "pratique habituelle" à l'époque des faits, même si tous les établissements médicaux ne procédaient pas ainsi, ni même l'ensemble des médecins de la Clinique du Sport. Un certain nombre préférait employer des flacons d'eau stérile. Les médecins mis en cause non.
En revanche, son témoignage a été sans indulgence pour une autre pratique reprochée au Dr Bornert: la réutilisation sur plusieurs patients de kits d'instruments jetables.
Sur l'insistance de Mme Cassar, la clinique a accepté d'utiliser durant quelque temps un kit par personne opérée puis, "constatant que les coûts montaient, ils sont revenus au point zéro", la réutilisation des instruments pour les "quinze à dix-sept" interventions d'une journée, selon le témoin.
"J'ai quitté la clinique volontairement car j'avais des règles et je ne pouvais pas continuer", a conclu Mme Cassar.
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Clinique du Sport: les pratiques sanitaires "de l'époque" en question
PARIS - Les pratiques sanitaires en vigueur dans les établissements médicaux à l'orée des années 90 ont été mercredi au coeur du procès de trois médecins jugés pour des infections nosocomiales en série à la Clinique du Sport
Plusieurs témoins ont notamment affirmé qu'il était d'usage, "à l'époque", de ne pas faire de distinction entre l'eau stérile et l'eau filtrée, cette dernière étant utilisée à la Clinique du Sport pour rincer les instruments chirurgicaux.
Cette question est l'un des points importants des charges qui pèsent contre les trois praticiens jugés depuis le 6 octobre pour avoir négligé les règles sanitaires lors des interventions chirurgicales. Au cours de celles-ci, une soixantaine de patients ont été contaminés entre 1988 et 1993 par une redoutable bactérie.
"Dans la pratique, dans les ouvrages de l'époque, l'eau filtrée était présentée comme de l'eau stérile (...). Il y avait une imprécision de l'information à ce propos", a déclaré le Dr Michel Chanzy, expert judiciaire.
"En 1989, et même plus tard, beaucoup faisaient l'amalgame entre eau stérile et eau filtrée", a observé le Dr Nicole Desplaces, médecin biologiste appelée à l'aide en 1993 par le directeur de la Clinique du Sport confronté à plusieurs cas de contamination par la bactérie xenopie chez des patients.
Le Dr Chanzy a toutefois précisé que la condition d'usage de l'eau filtrée devait être la maintenance et le renouvellement irréprochables des filtres. L'accusation reproche au directeur de l'établissement des négligences sur ce point. Celui-ci s'en défend.
Ces deux témoins ont par ailleurs critiqué, selon les termes du Dr Chanzy, "l'usage extensif de la stérilisation à froid pour des instruments qui auraient supporté une stérilisation à chaud".
Cette dernière méthode, beaucoup plus fiable de l'avis de tous les témoins, n'avait pas toujours les faveurs du Dr Bornert, l'un des prévenus, qui stérilisait à froid une partie de ses instruments. Il a expliqué à l'audience qu'il cherchait à protéger du matériel "très fragile" du choc thermique de la chaleur.
Reste que lorsque les praticiens ont cessé, en 1993, de rincer avec de l'eau filtrée le matériel stérilisé à froid "l'épidémie s'est arrêtée", a constaté Mme Desplaces.
(©AFP / 14 octobre 2009 20h41)
La défense du Dr Bornert, ex-chirurgien de la Clinique du sport
Par Estelle Saget, publié le 06/10/2009 11:30 - mis à jour le 06/10/2009 12:52Le Dr Didier Bornert, chirurgien parisien de 54 ans, doit répondre de la contamination de plusieurs dizaines de patients au procès qui commence ce 6 octobre. Lors d'un entretien téléphonique avec LEXPRESS.fr, il s'est défendu des charges pesant sur lui dans cette affaire.
Que faut-il attendre d'un procès se tenant vingt ans après le début des faits?
Tout le monde va savoir, enfin, que les contaminations ont commencé un an avant mon arrivée: en 1988 alors que j'ai commencé à exercer sur place en 1989. Si le médecin qui dirigeait la clinique, le Dr Pierre Sagnet, avait pris immédiatement les mesures nécessaires pour identifier la cause des infections, aucun de mes patients n'aurait été contaminé.
La Clinique du Sport à Paris, lors de la révélation du scandale par Le Parisien-Aujourd'hui en France, le 11 septembre 1997.
Sans doute, mais l'épidémie n'est-elle pas aussi liée au défaut de stérilisation de vos instruments?
C'est la clinique qui est responsable de la stérilisation. Quand la direction de l'établissement me dit que, grâce au filtre installé sur le robinet, l'eau est stérile, je n'ai pas les moyens de le vérifier. Je suis obligé de la croire. C'est cette eau qui a servi à rincer les instruments utilisés au bloc opératoire. [Note de la rédaction: le code de déontologie médicale stipule pourtant que "le médecin doit veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu'il utilise".]
Reconnaissez-vous avoir réutilisé du matériel à usage unique, qui ne pouvait donc pas être correctement stérilisé?
Ce n'est pas le sujet. Aucun patient contaminé par le xenopi n'est concerné par cette réutilisation de kits à usage unique. [NDLR: l'instruction a établi que les compte-rendus opératoires du Dr Bornert étaient succincts, ni le matériel utilisé ni le mode de stérilisation n'y étant mentionnés. Dès lors, pour de nombreux patients contaminés par le xenopi, il n'a pas pu être établi quel était le type de matériel utilisé –à usage unique ou non.]
Je suis parmi les 63 personnes contaminées en 1993,par le Docteur BORNERT, la vie, celle de mon mari et de mes 2 enfants, s'est arrêtée depuis. J'ai eu 21 mois d'antibiootiques toutes les 3 heures, et maintenant je ne peux plus rien faire. Il n'y a pas d'honnêtes hommes dans cette affaire c'était une affaire d'argent, le tiroir caisse fonctionnait très bien (750 euros pour une contamination!)J'espère qu'ils seront condamnés aussi longtemps que les personnes souffrent et souffriront toujours
La Croix :
"La vie brisée des patients de la Clinique du sport
Cinq responsables de l’établissement parisien comparaissent à partir du mardi 6 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris. L’affaire avait éclaté en 1997, révélant le danger des maladies nosocomiales
Deux ans plus tard, c’est un homme alité, incapable de se déplacer sans béquille qui sillonne les cabinets médicaux pour comprendre d’où peuvent bien venir ses douleurs récurrentes. Fini les cours de tennis. Fini, surtout, la vie d’avant. « Mes lombalgies sont devenues insupportables mais, surtout, mes membres inférieurs ont fini par se paralyser », se souvient Christian Ract.
L’état de santé de ce trentenaire ultradynamique se dégrade à tel point que son employeur consent à lui installer un lit médicalisé à même son bureau. « Aucun médecin ne réussissait à diagnostiquer mon mal, témoigne-t-il. Faute d’explication précise à donner au travail, mes collègues ont fini par croire que j’avais le sida et que je le taisais. »
Carences dans la stérilisation d’instruments chirurgicaux
Cette errance médicale, Amid la connaît bien aussi. Opéré en 1992 dans le même établissement parisien, c’est un homme cassé qui ressort du bloc opératoire. Pendant quatre ans, on lui a tout prescrit. Sans succès. « À la fin, même la morphine ne me faisait plus d’effet », précise ce sexagénaire. Ses douleurs étaient aiguës. Mais sa solitude morale pire encore. « Ma famille m’a beaucoup soutenu mais, au bout d’un moment, j’avais le sentiment de passer pour un affabulateur ou un tire-au-flanc, soupire Amid. À la Clinique du sport, on me martelait que je n’avais rien. On m’a même aiguillé vers un psychiatre… »Christian et Amid n’ont pas été les seuls touchés par ce mal mystérieux. Ce sera d’ailleurs leur chance. Au milieu des années 1990, ce ne sont pas moins d’une soixantaine d’anciens patients de la Clinique du sport qui finissent par se plaindre d’insupportables douleurs au dos. À force d’IRM, une évidence s’impose progressivement : tous ces malades ont été infectés – entre 1988 et 1993 – par la bactérie xenopi.
Et ce, à la suite d’une réutilisation de kits d’intervention à usage unique, ainsi qu’à de graves carences dans la stérilisation d’instruments chirurgicaux. Ce qui vaut à cinq responsables de l’établissement parisien d’être renvoyés mardi 6 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris, jusqu’au 28 octobre. Ils encourent trois ans de prison pour « tromperie » et « blessure involontaire ».
Plus grave peut-être, selon l’accusation, la Clinique savait depuis plusieurs années que certains patients avaient contracté cette infection nosocomiale. « L’affaire est sortie dans la presse en 1997 mais on sait, aujourd’hui, que les médecins étaient au courant de ces contaminations depuis 1993. Et personne n’a rien dit ! », s’offusque Me Patrick de la Grange, avocat des parties civiles. « Pour le moindre problème technique constaté sur une voiture, on rappelle toute la série pour un contrôle. Et là, à la Clinique du sport, personne ne juge bon d’appeler les anciens patients… »
"Devant mes souffrances, mon fils a décidé de devenir médecin"
Certes, le mal était fait. Mais, faute de diagnostic, les malades perdent du temps, enchaînent les opérations inutiles, se bourrent de médicaments inefficaces. Certains couples vont jusqu’à déménager en province, convaincus que le stress de la capitale explique la souffrance inexpliquée du conjoint. Le temps tourne et les dégâts médicaux se révèlent parfois irréversibles.« Il était trop tard lorsqu’on m’a opéré ; je n’avais plus assez de cartilage pour empêcher que mes vertèbres ne finissent par se souder les unes aux autres », se plaint Amid, aujourd’hui en invalidité complète. Seul réconfort pour cet immigré marocain arrivé en France sans un sou en poche : « C’est devant mes souffrances que mon fils a décidé de devenir médecin. »
Le hasard a davantage souri à Philippe qui, après trois ans de vives lombalgies à la suite de son passage à la Clinique du sport, a pu échapper à une opération. « Il reste que si l’hôpital m’avait informé avant, le développement du xenopi aurait pu être stoppé plus vite. Je n’aurais sans doute pas eu à subir le traitement de choc qu’on m’a prescrit. Pendant deux ans, j’ai dû me réveiller tous les matins à quatre heures pour ingurgiter, à jeun, une vingtaine de comprimés, limiter les sorties et arrêter totalement le sport. »
Sauvé, pour sa part, in extremis de l’hémiplégie, Christian Ract ne cache pas sa rancœur envers la clinique : « Je suis encore plus écœuré depuis que j’ai découvert, à la faveur de l’enquête judiciaire, que je n’avais même pas d’hernie, se révolte-t-il. C’est par pur appât du gain que la clinique m’avait persuadé de me faire opérer. »
Clinique du Sport: comment les "petites économies" ont mené au "désastre"
PARIS - Face à des médecins "menteurs" et "fuyant leurs responsabilités", les avocats des victimes d'infections nosocomiales en série survenues à la Clinique du Sport n'ont pas mâché leurs mots, lundi, pour décrire "l'engrenage des petites économies à l'origine du désastre" sanitaire.
Au total, 58 personnes opérées des lombaires ou des cervicales dans cet établissement parisien réputé, entre janvier 1988 et mai 1993, ont contracté une redoutable mycobactérie qui provoque un mal proche de la tuberculose osseuse.
Trois médecins, dont l'ancien directeur de la clinique, sont accusés d'avoir propagé mycobactérie par négligence des règles sanitaires. Poursuivis pour "blessures involontaires" et "tromperie", ils encourent une peine maximale de trois ans de prison.
Tassés sur les bancs des prévenus de la 31ème chambre du tribunal de correctionnel de Paris, les chirurgiens ont écouté sans ciller les avocats des douze parties civiles les accuser d'avoir pratiqué la "médecine business".
"Bien sûr que c'est de la médecine business quand on s'aperçoit que vous opériez 13 personnes par jour et que la moitié des prescriptions n'étaient pas justifiées !", a dit Me Patrick de la Grange qui défend la majorité des victimes.
"Il n'y a qu'une équipe de formule 1 qui pourrait correctement stériliser le matériel pour autant d'opérations", a-t-il ajouté.
"Le problème, ce n'est pas d'investir dans un bel IRM sur lequel on pourra communiquer, le problème, ce sont les économies de bout de chandelle, ces investissements non productifs que vous avez négligés", a-t-il accusé, citant notamment le cas des filtres destinés à purifier l'eau.
"Trente filtres achetés en quatre ans, ça veut dire qu'au lieu d'être changés tous les 45 jours, ils ne l'étaient qu'1,25 par an".
L'instruction et le procès ont clairement permis d'identifier les causes de la contamination à la mycobactérie xenopie: présente dans le réseau d'eau de la clinique, elle a été transmise aux patients via le matériel chirurgical dont une partie était stérilisée à froid, et non à chaud comme le veut la bonne pratique. Une négligence aggravée par le fait que l'eau des lave-mains utilisée pour la stérilisation à froid n'était pas stérile mais simplement filtrée.
La défense des trois prévenus entend notamment plaider la bonne foi des praticiens qui n'auraient fait que se conformer aux pratiques en vigueur à l'époque. Un argument inacceptable pour les avocats des parties civiles.
"Je ne doute pas qu'il y ait eu d'autres mauvais élèves dans la classe, mais ce n'est pas parce que le petit copain fait une bêtise qu'il faut la faire aussi !", s'est indigné Me de la Grange.
Il s'est exaspéré que les chirurgiens puissent mettre leurs erreurs sur le compte de l'ignorance: "Ne me dites pas que vous ne savez pas comment on stérilise, c'est insupportable !".
"Il suffisait d'ouvrir un livre de première année de médecine pour savoir ce qu'était le xenopi", a renchéri Me Olivier Baratelli, traitant le directeur de la Clinique du Sport de "menteur professionnel" parce qu'il soutient que les connaissances sur la mycobactérie sont longtemps restées confidentielles. "J'aurais aimé voir à ce procès des chirurgiens qui assument leurs responsabilités plutôt que des élèves de première année de médecine qui auraient séché leurs cours", a affirmé Me de la Grange.
Les réquisitions à l'encontre des trois prévenus doivent être prononcées mardi.
(©AFP / 26 octobre 2009 18h53)
Clinique du Sport: des responsabilités difficiles à cerner
PARIS - A l'issue du procès de la Clinique du Sport, dont les débats s'achèvent lundi, les causes de l'infection nosocomiale qui a touché une soixantaine de patients entre 1988 et 1993 sont clairement identifiées mais les responsabilités restent difficiles à cerner.
Q: Quelle est l'origine de la contamination des patients par la mycobactérie xenopie lors d'interventions pratiquées par les trois médecins prévenus ?
R: La mycobactérie se trouvait dans le circuit d'eau de la clinique, elle a été transmise aux patients via les instruments chirurgicaux utilisés pour deux types d'opération: des nucléotomies percutanées et des microchirurgies.
Pour certaines de ces opérations, une partie du matériel était stérilisé à froid et non à chaud, comme recommandé par la bonne pratique médicale. Par ailleurs, le rinçage des instruments stérilisés à froid s'effectuait au moyen d'eau filtrée, mais non stérile. L'audience a souligné le fait que la modification de ces pratiques a immédiatement stoppé la contamination.
Un des médecins prévenus est également accusé d'avoir réutilisé du matériel à usage unique, ce qu'il nie toujours formellement.
Q: Savait-on à l'époque des faits que l'eau filtrée n'était pas stérile ?
R: Plusieurs témoins ont relevé que, jusqu'au début des années 90, l'eau filtrée était souvent considérée comme stérile. "En 1989, et même plus tard, beaucoup faisaient l'amalgame entre eau stérile et eau filtrée", a observé le Dr Nicole Desplaces, médecin biologiste qui a aidé la clinique à éradiquer la mycobactérie en 1993. "Il y avait une imprécision de l'information à ce propos", a déclaré le Dr Michel Chanzy, expert judiciaire.
Ce dernier a toutefois précisé que la condition d'usage de l'eau filtrée était la maintenance et le renouvellement irréprochables des filtres. Les négligences de la clinique sur ce dernier point restent difficiles à prouver.
Q: La stérilisation à froid était-elle réalisée correctement et à bon escient ?
R: Les débats ont mis en exergue le fait que stériliser à froid une partie du matériel chirurgical qui aurait pu supporter une stérilisation à chaud, plus sûre, ne relevait pas des bonnes pratiques médicales. L'un des prévenus s'est justifié en expliquant que cette méthode s'imposait pour certains instruments extrêmement fragiles.
Y-a-t-il, par ailleurs, eu négligence dans le processus de stérilisation à froid, notamment dans le respect des délais de trempage ? Les avis divergent. Mais les trois prévenus, accrédités par plusieurs témoins, ont insisté sur le fait que la stérilisation du matériel ne relevait pas de la responsabilité des médecins. Ceux-ci s'en remettaient au personnel médical.
Une ancienne chef du bloc opératoire a toutefois raconté que les mis en cause "pressaient" les équipes soignantes de raccourcir les temps de stérilisation.
Q: La contamination aurait-elle pu être stoppée plus tôt et les victimes identifiées plus rapidement ?
R: Le directeur de la Clinique du Sport se défend d'être resté inactif après un premier cas connu dès 1989 mais il souligne les difficultés rencontrées: la mycobactérie xenopie était alors quasiment inconnue et les symptômes du premier patient assez atypiques. Plusieurs témoins ont confirmé ces deux derniers points.
Une interrogation demeure sur le caractère lacunaire des recherches alors entreprises dans la clinique pour débusquer la bactérie, demeurée introuvable: le directeur de l'établissement a-t-il été suffisamment curieux ?
Sur le manque d'information des patients à propos du risque qu'ils encouraient, le directeur de la clinique et les deux médecins prévenus s'en renvoient la responsabilité.
(©AFP / 24 octobre 2009 08h39)
Clinique du Sport: plaidoyer pour des médecins confrontés à un "calvaire"
PARIS - Les infections nosocomiales survenues il y a 20 ans à la Clinique du Sport datent du "néolithique" de l'hygiène hospitalière, aussi les trois ex-médecins jugés pour ce drame ne peuvent se voir reprocher leurs pratiques de l'époque, ont plaidé leurs avocats au dernier jour du procès.
"Le ministère public vous a bien dit que cette épidémie avait conduit à renforcer les normes en matière d'hygiène hospitalière pour lutter contre les infections nosocomiales", a souligné mercredi Me Xavier Flécheux, avocat de l'un des prévenus, le Dr Didier Bornert.
"S'il y a eu des évolutions, c'est bien que les choses ont changé et que ces trois médecins doivent être jugés en fonction des données d'une époque (...) où l'appréciation des risques était très différente", a rebondi Me Sylvie Tran-Thang qui défend l'ancien directeur de la Clinique du Sport, le Dr Pierre Sagnet.
Point après point, les avocats ont déroulé la liste des normes, selon eux appliquées "par tous, partout" à l'orée des années 90, au "néolithique" de l'hygiène hospitalière, selon les termes de Me Dominique Pagani, avocate de la compagnie d'assurance de la Clinique du Sport.
Dans cet établissement parisien réputé, dont la liste des patients avait des allures de bottin mondain, 58 personnes opérées des lombaires ou des cervicales entre janvier 1988 et mai 1993, ont été contaminés par une redoutable mycobactérie qui provoque une maladie s'apparentant à une tuberculose osseuse.
Les trois chirurgiens jugés depuis le 6 octobre devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris sont poursuivis pour "blessures involontaires", "tromperie" ainsi qu'"omission de porter secours" s'agissant de Pierre Sagnet.
C'est ce dernier qui a fait l'objet des réquisitions les plus sévères prononcées mardi par le ministère public: trois ans de prison dont deux avec sursis et 30.000 euros d'amende.
Contre les deux médecins, Didier Bornert et Patrick Béraud, des peines respectives de deux ans de prison avec sursis et 20.OOO euros d'amende pour l'un et huit mois avec sursis pour l'autre ont été demandées.
Il leur est reproché d'avoir transmis aux patients la mycobactérie xenopie, présente dans le réseau d'eau de la clinique, via leurs instruments chirurgicaux dont la stérilisation était défaillante. Décontaminé à froid, le matériel aurait dû l'être à chaud et rincé à l'eau stérile en flacon plutôt qu'à l'eau filtrée des lave-mains.
"A l'époque, c'était comme ça qu'on faisait, le froid, le chaud, c'était pareil", a affirmé Me Flécheux. Idem pour l'usage de l'eau filtrée, "un processus qui faisait l'unanimité", selon l'avocat.
"Dans l'organisation du bloc, c'est l'infirmier qui a la charge du travail de stérilisation, pas le médecin", a souligné le défenseur du Dr Béraud, Me Guy-Claude Aron, rappelant les nombreux témoignages en ce sens entendus durant le procès.
Sans mettre le cas de son client sur le même plan que celui des victimes, il a évoqué le "calvaire" que cette affaire représente pour lui, "le boulet psychologique dont il ne se défera jamais". "Une épreuve" également pour le Dr Bornert, alors jeune médecin de 34 ans, pris dans la tourmente d'une affaire érigée au rang de symbole des maladies nosocomiales.
Mais "un symbole ne fait pas une culpabilité", a conclu son avocat.
Le jugement a été mis en délibéré au 3 février 2010.
(©AFP / 28 octobre 2009 19h00)
Le délibéré dans l'affaire des infections nosocomiales à la Clinique du Sport à Paris, qui devait être rendu mercredi, est prorogé au 17 mars, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
"Procès de la Clinique du sport : prison ferme pour deux médecins"
Ce fut le premier d'une longue série de scandales médicaux liés aux infections nosocomiales. Mercredi 17 mars, plus de vingt ans après les premières contaminations de patients de l'ancienne Clinique du sport, à Paris – aujourd'hui rebaptisée Centre médico-chirurgical Paris V –, le tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement sévère : le directeur Pierre Sagnet a été condamné à quatre ans de prison dont 18 mois ferme et 50 000 euros d'amende. Le chirurgien Didier Bornert a été condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, et le troisième chirurgien poursuivi, Patrick Béraud, à huit mois de prison avec sursis.
L'affaire éclate au grand jour le 11 septembre 1997, dans Le Parisien, qui évoque le cas d'une victime, Béatrice Ceretti, opérée en 1991 d'une hernie discale à la Clinique du sport et hospitalisée trois ans plus tard, en raison de violentes douleurs dans la colonne vertébrale. Après une longue errance médicale et de nombreux diagnostics, la cause de ses douleurs est identifiée début 1997 : une infection post-opératoire au xenopi, un germe de la famille de l'agent de la tuberculose, remontant à sa première opération.
Béatrice Ceretti découvre, par la médiatisation de son cas, que 57 autres patients opérés des lombaires ou des cervicales entre janvier 1988 et mai 1993 dans cette clinique parisienne ont été contaminés. Tous souffrent au niveau de leur colonne vertébrale, rongée par une tuberculose osseuse. Les autorités sanitaires ouvrent un numéro vert en octobre 1997 et nomment des experts ; la clinique est brièvement fermée. Treize patients, les plus gravement touchés, déposent plainte au pénal ; les autres engagent des poursuites au civil pour obtenir des indemnisations. Ils estiment que les méthodes de l'établissement ont fait passer la rentabilité avant leur sécurité, et dénoncent la lenteur des réactions des autorités médicales.
L'instruction-fleuve va mettre au jour une succession de manquements et de carences, dont deux principaux : la contamination du circuit d'eau potable de l'établissement par la mycobactérie xenopi et les mauvaises pratiques de stérilisation reprochées à trois chirurgiens.
Une première alerte est déclenchée dès 1989, après la découverte de la bactérie dans les lombaires d'un patient lyonnais opéré un an plus tôt. Une étude est conduite au sein de l'établissement, mais personne ne pense alors à analyser l'alimentation en eau du bloc opératoire. La cause de l'infection n'est pas identifiée, et aucune suite n'est donnée à cette alerte.
Pourtant, les cas d'infection de patients opérés du rachis se multiplient : au premier semestre 1993, la clinique en a identifié neuf. Le docteur Pierre Sagnet, directeur de l'établissement, alerte alors la Direction générale de la santé, la Ddass et le Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales. Ce dernier enquête et conclut que "la source de l'épidémie était une contamination des instruments chirurgicaux (...) lors d'un rinçage à l'eau du réseau sanitaire de la clinique". Des questionnaires de satisfaction sont envoyés aux patients, mais ne les informent pas du risque de contamination. Il faudra donc attendre l'article du Parisien pour que l'affaire prenne une dimension publique et que la justice intervienne.
En 2001, les experts judiciaires soulignent le non-respect des règles de stérilisation des instruments chirurgicaux : en raison du grand nombre d'interventions programmées, certains instruments n'étaient pas stérilisés par la chaleur, mais placés dans une solution désinfectante et rincés avec l'eau filtrée du lave-mains du bloc opératoire. Encore plus inquiétant, selon les témoignages d'aide-soignants, du matériel à usage unique aurait été réutilisé pour plusieurs interventions par l'un des praticiens.
Trois chirurgiens, Pierre Sagnet, Didier Bornert et Patrick Béraud, sont poursuivis pour "coups et blessures involontaires" et "non-assistance à personne en danger". Lors de leur comparution en octobre 2009 devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris, les prévenus ont assuré avoir appliqué les règles d'hygiène en vigueur à l'époque et utilisées "par tous, partout". Leur défense a également insisté sur le fait que la stérilisation du matériel ne relevait pas de leur responsabilité mais de celle du personnel médical.
Dans ses réquisitions, le parquet a clairement distingué la responsabilité de Pierre Sagnet, qui était aussi, au moment des faits, directeur de la clinique, contre lequel il a requis trois ans de prison, dont deux avec sursis, et 30 000 euros d'amende. Il lui est aussi reproché d'avoir tardé à endiguer l'épidémie et à informer les patients potentiellement contaminés. Contre les deux autres médecins, Didier Bornert et Patrick Béraud, le parquet a requis des peines respectives de deux ans de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende pour le premier, et huit mois avec sursis pour le second.
Mercredi 17 mars, le tribunal correctionnel de Paris a condamné le directeur Pierre Sagnet à quatre ans de prison dont 18 mois ferme et 50 000 euros d'amende. Didier Bornert a été condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, et Patrick Béraud à huit mois de prison avec sursis. Les peines de Pierre Sagnet et de Didier Bornert sont donc bien plus sévères que les réquisitions du ministère public. Pierre Sagnet s'est dit "très, très mal" à la sortie de la salle d'audience. "Je suis meurtri, déçu. J'essaie de comprendre. On a jugé avec les connaissances d'aujourd'hui quelque chose qui s'est passé il y a vingt ans", a-t-il dit. Les docteurs Sagnet et Bornert ont indiqué qu'ils feraient appel de ce jugement.
L'affaire de la Clinique du sport représente le premier scandale de contaminations à grande échelle dans un établissement hospitalier. Par le biais de l'association qu'ils ont créé, Le Lien, les patients de la clinique se sont mobilisés pour alerter l'opinion et les pouvoirs publics sur l'urgence de la lutte contre ces infections. En 2002, Le Lien obtient que la loi reconnaisse le droit à l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux et d'infections nosocomiales. Aujourd'hui, ces infections sont considérées comme un problème de santé publique. Dans les hôpitaux, les règles d'hygiène ont été rendues plus strictes, avec utilisation de solutions hydro-alcooliques et lavage systématique des mains. En parallèle, le ministère de la santé a entrepris de mesurer la qualité de l'hygiène de chaque hôpital.
Les infections nosocomiales continuent toutefois de faire des ravages. En 2006, elles ont touché près de 5 % des patients hospitalisés, et sont la cause de 4 000 décès par an.